Bonapartisme people: résistance

Publié le par Association Fraternité Franco-Africaine (FFA)

                 BONAPARTISME PEOPLE: LA RESISTANCE S’IMPOSE !
                                           (1er-09-2007)
 
        Un trimestre après l’élection présidentielle, la vigilance s’impose. Certes, l’été est propice à un état de grâce pour les nouveaux locataires de l’Elysée et Nicolas Sarkozy soigne son image de marque auprès des électeurs, en jouant sur tous les tableaux. Avant même la rentrée sociale et ses nécessités économiques, un bilan est à faire cependant sur les mœurs du nouveau pouvoir en place et sa gestion des médias : en fait, la collusion croissante des deux institutions demandent une mobilisation concertée pour la préservation de nos acquits démocratiques.
 
I-Un bonapartisme people
        Les observateurs ont commenté l’omniprésence du nouveau Président: ce phénomène, tout comme son intention d’accroître les pouvoirs de l’exécutif, correspond à la volonté du milieu des affaires de renforcer le rôle du pays dans l’ordre international. Cette stratégie de concentration des pouvoirs est multiforme: perquisition précipitée au domicile de l’ancien Premier Ministre, Dominique de Villepin, dans le cadre de la sombre affaire Clearstream, au mépris de l’indépendance de la justice ; relégation du Premier Ministre actuel à un rôle de « Secrétaire de l’Elysée » ; missions diplomatiques de Cécilia Sarkozy, effectuées sans contrôle parlementaire, cela, il est vrai, dans la plus pure tradition de la cellule africaine de l’Elysée ;élargissement inédit à de nombreux cadres du centre et du PS de la nouvelle équipe gouvernementale, qui vise à saper, dans l’opinion publique, le projet d’une alternance en France.
         A cette pratique du pouvoir, s’ajoute une conception populiste des médias. La gestion de l’émotionnel est ainsi la marque de fabrique du nouveau pouvoir : après le débat électoral sur différents projets de société, c’est le fait-divers macabre qui s’impose pour convertir les citoyens à une nouvelle religion laïque, le victimisme. Dans cette perspective, les Ministères de l’Intérieur (point de départ de la montée au pouvoir de Nicolas Sarkozy) et de la Justice dont a hérité la souriante Rachida Dati sont en première ligne. Ainsi, à défaut de solidarité socio-économique, sommes-nous conviés, à l’occasion des JT estivaux, à un travail de deuil, de compassion et de règlements de compte au quotidien: un marin-pêcheur tué par les pirates modernes des mers, un bébé mordu mortellement par un molosse domestique…et voilà une nouvelle loi en préparation ou le Président en action. Ce pathos savamment entretenu maintient en haleine l’opinion publique, les déterminismes de cet univers morbide et manichéen étant vaincus virtuellement par l’ « homme providentiel » mis au pouvoir. Cette mise en scène people, style jeux vidéos et digne de l’administration Bush est bien sobrement commentée par notre opposition qui privilégie les questions traditionnelles d’ordre économique : le pouvoir d’achat à la rentrée, la croissance, la crise financière internationale…C’est sans compter sur la capacité de diversion et de démobilisation que constitue un usage aussi immodéré des médias. Pour exemple, pendant qu’on amuse la galerie, opère en coulisses Brice Hortefeux dont la « mission » de reconduite aux frontières des Sans papiers s’effectue dans des conditions douteuses d’humanité.
 
            II-Les médias publics au service du nouveau pouvoir 
 
       Parlons maintenant de la stratégie adoptée comme un seul homme par les journalistes télévisuels depuis le 6 mai dernier, stratégie qui était, avant cette date, réservée à l’extrême-droite : est-il normal de vilipender les différents représentants du centre et de la gauche et spécialement du PS ? De prédire un raz de marée à l’élection législative en faveur de l’Elysée ? Celui-ci ne s’étant pas produit, grâce à un sursaut de vigilance des électeurs, de ne faire aucune auto-critique? De poursuivre ce lynchage médiatique, à l’égard d’une représentation politique pourtant reconduite de manière honorable ? De personnaliser le débat à outrance et de chercher la faille ? Et, dans le même temps, d’empêcher toute riposte d’envergure en fermant des émissions telles que Arrêt sur images (de Daniel Schneidermann) qui proposent une lecture distanciée et raisonnée de l’exercice des médias d’Etat?
      En l’occurrence, dans l’arène réduite au bipartisme, la cible principale de ce punching ball c’est le PS comme concurrent potentiel au pouvoir ; tous les moyens sont bons pour l’atteindre : soupçons de désunion, récupération des rancoeurs nées de l’échec électoral, atteinte à la vie privée des responsables, misogynie à propos de la candidature de Ségolène Royal, en passe de devenir la « femme fatale » de la République…  Plus les médias en parlent, plus la division du PS semble s’intensifier sous les yeux des citoyens convoqués en voyeurs de sa déconfiture programmée. Quant aux autres organisations politiques, ils n’ont plus guère les honneurs du petit écran, ayant déjà subi le rouleau compresseur de l’Etat-UMP: implosion du processus d’unification des gauches antilibérales, quasi-décapitation de l’UDF qui voulait s’émanciper de son giron, le MoDem issu de cette transformation étant superbement ignoré, liquidation supposée du PCF…Véritable guerre idéologique que ce jeu de massacres, dans lequel la force réactionnaire de la 5e République, la droite dite « décomplexée », s’alimente au foyer discret mais pas éteint de l’extrême-droite.
 
III- Quelles conditions à la recomposition politique ?
 
      En réponse, deux attitudes sont privilégiées pour l’instant: la recherche d’un bouc-émissaire sur qui renvoyer la responsabilité de la crise morale traversée (« c’est la faute à un-e tel-le »…) et le défaitisme, dans le style : « ce n’est pas si grave après tout, il a été plébiscité pour faire ce qu’il fait, on ne va pas le diaboliser… ». Certes, le manichéisme n’a pas lieu d’être dans cette affaire, Nicolas Sarkozy innovant avec succès sur des terrains naturels de la gauche tels ceux de la parité homme-femme et de la représentativité politique des minorités ethniques. Cela dit, ce progressisme peut s’avérer un dérivatif si l’essentiel, à savoir le respect des règles du jeu démocratique, telles qu’énoncées plus haut, n’est pas assuré. Autre exemple, la stratégie dite d’ « ouverture » aux cadres de l’opposition : celle-ci s’accommoderait mal, si elle était sincère, du règlement de comptes, via les médias, auquel on assiste à l’égard des responsables de ce parti. Aussi, la préservation de son intégrité propre nécessite, comme toujours, sens de l’unité et esprit de résistance. Quelles que soient les responsabilités des uns et des autres dans la reconduite de l’UMP aux affaires, quelle que soit la politique culturelle et économique de son gouvernement, le plus important maintenant ce sont les libertés publiques et l’avenir politique de ce pays. La décision, prise en particulier par la représentation socialiste et radicale (groupe SRC Socialiste, Radical et Citoyen), de constituer un contre-gouvernement au Parlement est à promouvoir par une démarche de démocratie participative. Une autre démarche pourrait contribuer à la remobilisation, un appel à l’initiative des partis, syndicats, associations, personnalités auprès du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA) pour que les médias publics respectent leurs principes professionnels : impartialité à l‘égard des différentes sensibilités politiques, indépendance à l’égard du pouvoir, intégration au débat public de la société civile et des associations telles ATTAC objet de censure…A défaut de quoi, un boycott (par les élus ? par les téléspectateurs ?) des médias télévisuels d’Etat ne devrait-il pas être envisagé, au profit des radios et des médias régionaux et privés? Dans la perspective des prochaines échéances électorales (municipales, régionales…), l’occasion se présente de valoriser des médias alternatifs (Politis…) et régionaux, actuellement marginalisés par le pouvoir central.
       Autre objet de contre-offensive : de nombreuses affaires de corruption engagent la responsabilité d’une partie de la classe politique dirigeante, dont ses premiers élus - affaire EADS, affaire Clearstream, affaire ELF, affaire des frégates de Taïwan, affaire des HLM de Paris, affaire Borrel…- dont l’élucidation et la sanction sont trop souvent empêchées par une justice subordonnée.Faisons-enl’objet d’un débat public de manière à favoriser le contrôle citoyen et parlementaire des institutions de l’Etat et son désengagement progressif de l’influence des réseaux et des lobbies, tant nationaux qu’internationaux, en particulier françafricains.
      Enfin, au regard des enjeux de la société de l’information, notre culture politique ne peut plus se suffire des apports de l’économie : il faut lui rajouter les analyses des sciences humaines (géo-politique, anthropologie culturelle, sémiologie…), seules à même d’aider l’opinion publique à mieux maîtriser les forces subjectives et symboliques qui risquent sinon de nous entraîner dans la dérive de la pipolisation et de la mauvaise foi érigée en système. Il s’agit également de mettre sur la place publique la question centrale des modes alternatifs de développement souhaitables pour le pays et ses zones d’influence européenne et francophone.
             D’une manière générale, l’unité dans les rangs de l’opposition –sous la forme d’un front républicain ?- s’impose à l’encontre du seul et véritable problème, le bonapartisme . Au-delà de la personnalité de Nicolas Sarkozy, il nous faut interroger le volet autoritaire de l’Etat, construit sur une longue tradition de domination patriarcale et de centralisme impérial. Après avoir fait subir aux femmes, aux régions historiques, aux peuples (néo)colonisés, aux Sans-papiers… les rigueurs de l’ordre républicain, c’est à nous tous que l’Etat central s’attaque désormais, dans un contexte de crise généralisée. Paradoxe apparent : des peuples proches connaissent, eux, une embellie appréciable, s’étant libérés ou distanciés de leurs autocrates et ploutocrates –Aznar, Berlusconi…- pourtant inféodés à l’administration Bush, en particulier dans le cadre de la guerre en Irak: l’Espagne de José Luis Zapatero, l’Italie de Romano Prodi, même les Etats-Unis (qui se sont dotés d’un contre-pouvoir législatif  en la personne de Nancy Pelosi), de nombreux pays d’Amérique latine…Autant dire la capacité de nuisance de la bourgeoisie française pour le maintien de ses privilèges. Balayons devant notre porte et, sur la base des mobilisations sociales, paritaires et altermondialistes, c’est une nouvelle page de l’histoire de notre pays -celui des droits de l’homme- qui s’écrira.
 
 
 
 

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