Le manifeste antilibéral d'ATTAC

Publié le par Association Fraternité Franco-Africaine (FFA)

 
                       CONTRIBUTION AU MANIFESTE D’ATTAC
               POUR UNE RUPTURE AVEC LES POLITIQUES NÉO-LIBÉRALES
               DANS LE DOMAINE DES RELATIONS FRANCO-AFRICAINES
 
                 Dans l’espace stratégique des relations Nord-Sud, les relations franco-africaines constituent un axe privilégié dedomination néo-libérale. Depuis la chute du mur de Berlin (1989), le néo-colonialisme francophone y sévit en effet de concert avec l’Union Européenne et les organismes financiers internationaux (FMI, Banque mondiale). L’hyperlibéralisme qui caractérise les économies de l’Afrique francophone s’explique historiquement en fonction des facteurs principaux suivants:
    - la chute progressive des économies nationales suite à la mauvaise gouvernance de régimes compradores, de dictatures inféodées à l’Etat français du fait des accords de « Coopération » signés dans la foulée des indépendances nominales des années soixante, et qui reconduisent sur un mode hypocrite et adapté aux circonstances la domination coloniale
    -l’endettement des pays par ces mêmes dictatures auprès des banques occidentales,suite à la crise mondiale engendrée par la hausse des prix du pétrole et à la "nécessité" pour celles-ci d’écouler et recycler le surplus de capitaux engendrés de ce fait
-         la chute des prix des matières premières, exportées en particulier à partir du continent noir.
 
                  Les conséquences macro-économiques de cette gestion sont ruineuses:
    - la signature dans tous les pays de la zone franc et d’Afrique francophone de manière générale de Programmes d’ajustement structurel (PAS) qui, pour le remboursement de la dette des Etats, opèrent des coupes sombres dans les budgets sociaux, privatisent et liquident les patrimoines nationaux et les services publics…
- la dévaluation du Franc CFA de 50% de sa valeur en janvier 1994.
 
                A la faveur de la fin de la guerre froide, la mobilisation des peuples pour la démocratie se coordonne à travers l’Afrique francophone dans les Conférences Nationales Souveraines (CNS), tant au Bénin qu’au Congo Brazzaville, au Congo Kinshasa, à Madagascar, au Togo, au Niger, au Tchad… Ces pays soit font partie de l’ancienne mouvance bureaucratique (Bénin, Congo Brazzaville, Madagascar..), libérés en même temps que leurs confrères de l’Est européen soit sont des pays peu convoités par la France et les puissances occidentales, aux plans stratégique et économique (Niger, Mali…). Ainsi, des pays réquisitionnés de longue date par le néocolonialisme du fait de leurs richesses naturelles, tels le Cameroun ou le Gabon, n’ont-ils pas connu de mouvement de démocratisation et d’alternance similaire.
 
               Il est un fait que, dans un contexte politique, international et panafricain, plus ouvert depuis les années 90, les peuples d’Afrique francophone ont d’une manière générale conquis de haute lutte certains droits fondamentaux en matière de libertés d’expression, d’organisation syndicale, associative et politique; ceci dit, dans de nombreux cas, la construction des Etats de droit et des sociétés civiles reste largement entravée du fait de la collusion de la Coopération franco-africaine, de l’Union européenne et des organismes financiers internationaux. Cette réaction fascisante à l’aspiration des peuples africains à prendre en mains leurs destinées, en particulier économiques, est orchestrée par la Coopération francophone, maître d’œuvre à travers ses différents leviers militaires, technologiques, financiers…La réaction de la métropole à l’évolution historique se traduit par la corruption grandissante de ses cadres, incorporés dans une véritable maffia, communément appelée la "Françafrique" et même la "Maffiafrique". Cette nébuleuse, qui échappe actuellement au contrôle politique des peuples et à la sanction des cours de justice (inter)nationales, est responsable de la dégradation de la situation dans de nombreux pays francophones en cette période charnière de leur histoire : manipulation de chefs de guerre responsables de génocide, défini par la loi de "crime contre l’humanité" (au Rwanda en 1994), responsables de guerres civiles meurtrières qui détruisent les acquis sociaux et démocratiques et menacent l’intégrité des Etats (Congo Brazzaville, Congo Kinshasa, Côte d’Ivoire…), aide au maintien de dictatures qui laissent planer en permanence la menace de la guerre civile et de la régression ethniste dans les pays qui ont majoritairement et pacifiquement opté pour la démocratie depuis une décennie (Togo, Tchad…). Et ceci pour le maintien de privilèges pharaoniques en matière d’exploitation économique: monopole de la compagnie ELF-TOTAL sur le pétrole congolais, des grandes compagnies (telles Bouygues, Bolloré.. ) sur le patrimoine public ivoirien…
 
                 Inverser le cours meurtrier des choses, mettre fin au néocolonialisme francophone en Afrique qui, en l’absence de contrepoids politiques et stratégiques suffisants, sévit actuellement sous la forme d’un hyperlibéralisme aux formes politiques fascisantes, est une nécessité absolue, tant pour l’Afrique francophone que pour la France et l’Union Européenne. En effet, le respect du droit imprescriptible des peuples francophones à la souveraineté et à l’intégrité nationales est un corollaire du maintien des fondamentaux républicains dans notre propre société: le fonctionnement quasi-monarchique et la dégénérescence actuelle du régime de la 5e République procèdent en grande partie de l’absence de contrôle populaire de la gestion du secteur international et de la Coopération franco-africaine. En témoigne le quasi-classement par la justice républicaine d’affaires d’Etat qui compromettent des cadres politiques de notre pays, liés à la Françafrique: affaire ELF, affaire des HLM de Paris… Le respect des peuples africains conditionne également la rééquilibration des réseaux d’influence internationaux, actuellement déviés vers un atlantisme unilatéral spécialement dans l’Union Européenne : cette réorientation passe par la prise en compte de la spécificité culturelle de la Francophonie, espace stratégique relevant des relations Nord-Sud, actuellement marginalisé du fait d’une politique implicitement raciste ou ethnocentrée et occidentaliste. Une politique alternative de cet ordre permettra de sortir du cercle infernal du "choc des civilisations", dérivatif orchestré par l’administration Bush et par les bourgeoisies occidentales, dont la surenchère à l’encontre de la gestion stalinienne récente des pays de l’Est comme du terrorisme islamiste leur permet d’occulter leurs responsabilités propres dans la mauvaise gouvernance du monde et en particulier du Sud, sur le mode néo-libéral. Un tel programme permettra enfin de sortir du dialogue de sourds alimenté par les extrêmes-droites française et européennes à l’encontre du bouc-émissaire de l’immigration clandestine, résultante d’une Coopération franco-euro-africaine fondée sur l’inégalité drastique des échanges.
 
            A tous ces titres, aux côtés des associations et organismes africains et français qui sont aux avant-postes de ce combat, ATTAC se prononce pour la rupture à l’égard de la françafrique et la neutralisation de ses réseaux maffieux dans l’espace politique et judiciaire (inter)national. ATTAC se prononce également pour la réforme de la Coopération et l’assainissement des relations franco-africaines à travers un programme spécifique de mesures : renégociation avec les responsables des Etats d’Afrique francophone des accords historiques de Coopération, arrêt du monopole français dans les échanges commerciaux avec certains de ces Etats, arrêt de la vente et du traffic d’armes ainsi que du mercenariat, contrôle parlementaire de l’Aide Publique au Développement (APD) et des accords ACP-CEE, promotion de la coopération décentralisée et du co-développement, si possible par référence aux modes de développement africains. Par ailleurs, ATTAC promouvra l’éducation populaire pour contribuer à la démocratisation de la géo-politique et l’évolution salutaire des mentalités, favorisée actuellement par le mouvement des banlieues et des DOM-TOM pour la reconnaissance pleine et entière de leurs droits spécifiques et la diversité culturelle; l’association invite d’une manière générale à la construction collective et publique d’une politique solidaire et responsable à l’égard des peuples d’Afrique francophone et du Sud, celle-ci étant l’un des piliers principaux du modèle altermondialiste à promouvoir.
 
 
 

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