Le pacte républicain en jeu

Publié le par Association Fraternité Franco-Africaine (FFA)

LE PACTE REPUBLICAIN EN JEU
octobre 2007

 

 

         La crise politique que connaît la France remonte à 2002, date de la qualification du FN au second tour de l’élection présidentielle, au détriment des représentations de la gauche et du centre. Certes, la progression de l’extrême-droite, l’une des plus fortes de l’Union Européenne, a été endiguée depuis lors ; cela dit, la crise traversée par les différentes forces de progrès (implosion du mouvement d’unification de la gauche antilibérale, marginalisation accrue du PCF et des Verts, divisions au sein du PS alimentées de l’extérieur, débauchage du plus grand nombre des élus de l’UDF au profit de l’UMP …) révèle que le problème se situe moins au niveau des partis ou des personnalités que des limites actuelles de notre système démocratique. Il est temps de faire le bilan des déséquilibres structurels qui entravent la marche du changement démocratique en France, sous la forme de l’alternance au niveau du pouvoir d’Etat voire d’alternatives philosophiques plus conséquentes.

         Dans le cadre du débat droite-gauche, le clivage est net entre le monde des affaires et celui des salariés, entre une forme patriarcale et autocentrée de gestion du pouvoir et de l’autre côté l’émergence d’une démocratie paritaire et participative, voire d’un leadership au féminin (Ségolène Royal, Marie George Buffet, Dominique Voynet, Arlette Laguillier), entre un ex Ministre de l’Intérieur grandement responsable des émeutes de l’automne 2005 dans les banlieues (les plus fortes qu’ait connues l’UE depuis bien longtemps) et une ex Secrétaire d’Etat à l’Education Nationale, entre les plus âgés des électeurs qui ont voté par instinct sécuritaire et conservateur et la jeunesse; entre l’Elysée, détenu par l’UMP depuis 1995 sans discontinuer et les régions, quasiment toutes à gauche depuis 2004 grâce à une réaction salutaire de l’électorat …

         Dans ce contexte, l’autoritarisme dont se prévaut l’extrême-droite est recyclé par le parti-Etat qu’est l’UMP, parti créé sur le modèle du Parti Populaire (PP) d’Aznar, dans Espagne post-franquiste. Or, le peuple espagnol s’est libéré, lui, du régime d’Aznar tout comme le peuple italien du régime Berlusconi, pourtant renforcés l’un et l’autre par leur participation à la guerre américaine en Irak décidée par l'administration Bush . Les Etats-Unis, eux-mêmes, se sont dotés d’un contre-pouvoir parlementaire et l’Allemagne a élu une femme chancelière. Il n’est pas question de diaboliser l’Etat français ni son nouveau représentant, Nicolas Sarkozy qui sait manier habilement la carotte comme le bâton, mais force est de constater que nous héritons nous-mêmes d’une longue tradition double, impériale et progressiste à la fois.

         Le déséquilibre national ne fera que s’intensifier, en faveur de l’affairisme, de la course effrénée à la croissance, du bipartisme, de la "peopolisation" du champ politique… si nous ne parvenons pas à préserver l’outil démocratique qui nous appartient, et si nous ne renouvelons pas les termes du débat public, au niveau des pouvoirs et des contre-pouvoirs précités. C’est donc avec une grande détermination que nous vous demandons de mener campagne de manière unitaire, non seulement sur les questions socio-économiques traditionnelles de la gauche, mais aussi sur les questions suivantes :

         - la question des médias : la collusion de l’exécutif et des médias publics, en particulier télévisuels est devenue inacceptable: propagande en faveur du parti de gouvernement, en particulier à la veille des échéances électorales, désinformation sur la base de dénigrements répétés, d’incitation à la division entre les représentants de l’opposition et censure de fait de nombreuses minorités et du monde associatif alternatif…

         - la question des affaires : la France détient sans doute le record de l’UE en matière d’affaires politico-financières impliquant les plus hauts dignitaires du pays et de l’UMP (affaires des Emplois fictifs de Paris, Clearstream, EADS, des HLM de Paris, ELF, Affaire Borrel…), affaires qu’une justice subordonnée peine à instruire. Le désengagement progressif de l’Etat à l’égard des réseaux et des lobbies affairistes, en particulier françafricains, dépend de notre force de mobilisation citoyenne dans un cadre unitaire…

         - la question néo-coloniale : le maintien de relations de domination anachroniques avec les pays francophones d’Afrique est largement responsable, non seulement de leurs difficultés souvent dramatiques, pour accéder à la démocratie et au développement, mais aussi de l’autoritarisme croissant en France, et du malaise récurrent des banlieues, exacerbé par la répression sans contrepartie suffisante de l’immigration clandestine. Dans l’intérêt de tous, il importe de réformer les relations franco-africaines et de promouvoir un véritable co-développement.

          - la question de l’inter-régionalité : le développement d'un véritable dialogue inter-régional permettra de valoriser l’apport culturel et politique propre des régions historiques et des DOM-TOM, apport actuellement trop marginalisé, tout en créant l’un des contre-pouvoirs les plus efficaces du pays

            - la question de l’éducation à la citoyenneté et à la diversité culturelle: face à la crise morale et à la sous-culture people, réalisons à l’Ecole les conditions qui manquent pour lui permettre de remplir sa mission d’aujourd’hui: la réhabilitation morale du métier d’enseignant, l'accroissement de l’éducation citoyenne, paritaire et interculturelle, la promotion des sciences de l’Homme et bien sûr la mise à disposition des moyens matériels indispensables à un fonctionnement efficace…

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