Il n'y a pas de fatalité!

Publié le par Association Fraternité Franco-Africaine (FFA)

                   IL N’Y A PAS DE FATALITE, L’ETAT C’EST NOUS !
 
                     
          La crise politique que traverse la France depuis 2002 du fait de la montée de l’extrême- droite et de l’arrêt prolongé de l’alternance au pouvoir nous amène à reconsidérer la nature de l’Etat national ainsi que ses nécessaires aménagements. Si l’accession de la gauche au pouvoir en 1981 et la cohabitation des blocs à partir de 1997 ont façonné certaines des grandes évolutions républicaines dont nous bénéficions actuellement (la décentralisation régionale, la parité homme-femme, la promulgation de l’esclavage « crime contre l’humanité », l’abrogation de la peine de mort…), la consolidation actuelle de l’Etat- UMP entraîne des déséquilibres certains en faveur du monde des affaires, des réseaux médiatico-financiers, des lobbies militaro-industriels, accentuant ainsi la fracture sociale, culturelle, géo-politique. Certes, des contre-pouvoirs importants ont été octroyés à la gauche par le suffrage en 2004 à des niveaux intermédiaires, ceux des cantons, des régions et de l’Union Européenne ; cela dit, étant donné la surenchère de l’extrême-droite qui devient un arbitre durable du jeu électoral, la radicalisation de ce dernier entraîne une bipolarisation inquiétante de la vie politique (UMP vs PS) au détriment des autres forces vives du pays (PC, Verts, Régions, Peuples et Cultures RPS, gauche antilibérale…) : cette dernière est d’ailleurs amenée de plus en plus à s’exprimer dans la rue, au travers des mouvements sociaux et alternatifs. Ces conditions défavorables expliquent également, sans l’excuser, la division des candidatures antilibérales, le système unitariste et autocentré du mode de scrutin français pouvant conduire à une forme d’implosion des alternatives. Si l’on appliquait à la lettre cette démarche autoritaire, l’élection de notre nouvel homme providentiel devrait être suivie d’une large majorité du même bord à l’Assemblée Nationale, comme ce fut le cas en 2002 pour le président Chirac !
 
                    La quasi-absence de débat public sur les causes de l’échec de la gauche et le fatalisme voire le défaitisme qui a cours depuis le 6 mai dernier concernant la suite à venir procèdent en particulier du déficit d’analyse tant au niveau de la question de l’Etat que de la géo-politique ; la cristallisation d’associations influentes telles qu’ATTAC et de la gauche antilibérale (Lutte ouvrière…) sur les questions macro-économiques et la défense des intérêts d’abord matériels et nationaux a en bonne part fait éluder la spécificité de l’Etat français, Etat hybride qui tire une part de sa force d’inertie des réseaux impériaux, en particulier françafricains, qui parasitent son évolution en profondeur. Est, de ce fait, passée inaperçue du plus grand nombre l’identité de Vincent Bolloré, le milliardaire hôte du nouveau Président, dont la fortune s’est construite discrètement aux dépens des peuples d’Afrique francophone, au Cameroun, en Côte d’Ivoire…Par ailleurs, les transfuges réels ou supposés du PS sont tous des connaisseurs d’une manière ou d’une autre des coups tordus de la Françafrique : Charasse, ancien Ministre de la Coopération, Hubert Védrine, ancien Ministre des Affaires Etrangères, également mitterrandien et qui minimisa la part de responsabilités de cette Présidence dans le génocide au Rwanda, Eric Besson familier des milieux tiersmondistes, Bernard Kouchner dont l’association Médecins sans frontières intervint dans le même génocide au nom du principe ambigu du « droit d’ingérence »…. En revanche, le même Sarkozy a dû en rabattre de ses serments anti-« repentance », à l’occasion de la première cérémonie officielle de son quinquennat, celle de l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage le 10 mai dernier. Comme quoi en dépit de tous les dénis de conscience, la réalité des relations Nord-Sud s’impose à tous. Notons qu’à l’intérieur de l’hexagone, se redessine le même rapport des forces, les régions favorables à Ségolène Royal étant souvent les plus discriminées historiquement par le pouvoir central et parfois les plus alternatives au plan culturel comme l’Occitanie (région Midi-Pyrénées) ou la Bretagne …
 
                    Un autre type d’argumentaire permettrait également de remobiliser l’opinion publique, celui qui concerne le contexte international, en particulier occidental et européen, étonnamment plus favorable que la situation française ! Alors que l’Espagne et l’Italie se sont libérées d’équipes dirigeantes libérales- autoritaires, celles d’Aznar et de Berlusconi, particulièrement coriaces et impliquées dans la guerre en Irak, alors que l’Amérique latine s’émancipe progressivement des dictatures inféodées à l’administration nord-américaine, alors que les USA, la première puissance mondiale, se dotent eux-mêmes d’un contre-pouvoir au Congrès pour mettre un terme à leur guerre impérialiste, alors que l’Allemagne, pays machiste de tradition, a élu une femme chancelière en la personne d’Angela Merkel, la France s’enferme, elle, dans sa crise républicaine. En premier lieu parce qu’en dépit des avancées en matière d’intégration des citoyens originaires de l’immigration suite au « mai 68 des banlieues » de l’automne 2005, elle refuse encore d’assumer pleinement son histoire et son identité. Si, en effet, dans une démarche révisionniste, les droites tentent de nier les méfaits du colonialisme, les gauches, antilibérales comme républicaines, sous-estiment, elles, depuis trop longtemps les effets dévastateurs du néocolonialisme tant pour les pays d’Afrique francophone que pour la France elle-même : complicité de notre pays dans le génocide au Rwanda, dans la guerre civile au Congo Brazzaville, en Côte d’Ivoire, dans le maintien de la dictature au Togo, au Tchad, affaires d’Etat (affaire Elf) quasiment classées en France par une justice aux ordres….A ce titre, la montée de l’extrême-droite, à l’origine des dysfonctionnements actuels de notre démocratie, n’est pas causée par les seuls phénomènes du chômage et de la précarité socio-économique mais aussi par la persistance malsaine d’une conscience collective raciste et impériale ; il est inutile dans ces conditions voire nuisible de donner l’exclusivité de l’échec électoral au PS et à sa candidate dont la réussite réside dans un leadership au féminin inédit, fédérateur et porteur de perspectives alternatives à l’avenir. Ni même d’épiloguer sur un rapprochement avec le centre de François Bayrou, dont le combat va à l’encontre de l’hégémonie de l’Etat UMP. La résultante culturelle du maintien de ce blocage idéologique sur l’axe des relations Nord-Sud, à l’intérieur de l’hexagone et de l’espace de Schëngen, serait en fait toujours plus de sous- culture people d’obédience atlantiste, toujours plus d’anti-culture de la violence sur laquelle surferait à volonté notre Président ex-Ministre de l’Intérieur pour imposer son « ordre injuste »….A l’inverse, sur le modèle des Réseaux d’éducateurs sans frontières (RESF), c’est de contre-réseaux dont a besoin le peuple français, de réseaux bien visibles de solidarité effective et d’éducation populaire, formulant, sur la base du principe acquis de la diversité culturelle, les clauses d’un nouveau contrat de citoyenneté européen et francophone.
        Pour conclure, si nous ne voulons pas « en prendre pour dix ans » comme le pronostiquent des observateurs patentés de l’arène politicienne, s’impose d’abord à nous de travailler à la démocratisation des institutions de la 5e République[1], dont celles de la Francophonie et de la Coopération, corollaire obligé de l’immigration de la misère. Finalement, dans notre malheur, une certitude peut nous réconforter, celle que l’histoire a un sens, que la justice immanente existe bel et bien ; pour qu’elle nous soit favorable à l’avenir, un seul principe peut nous y aider : solidarité !
 
 
 

[1] En témoignent les derniers rebondissements en matière de justice concernant l’affaire Clearstream, l’affaire des emplois fictifs de Paris, la question du sort judiciaire de l’ancien Président… Jacques Chirac va tenter de redorer son blason avec une Fondation…sur le dialogue des cultures ! Cela ne s’invente pas.

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